Ryoji Ikeda se définit volontiers comme un charpentier. Pure provocation, venant de celui que l’on considère comme un artiste majeur de la musique électronique minimaliste ? Plutôt une image choisie pour caractériser au mieux une démarche artistique poussée à son paroxysme.
Celle-ci est tendue par la volonté de donner à voir, à ressentir une abstraction — ici la notion d’algorithme, les métadonnées ou le son — comme l’artisan assemble pour créer une architecture.
Ryoji Ikeda, né en 1966, fait ses débuts en tant que DJ. Dans les années 1990 , il participe au collectif japonais Dumb Type, qui mêle danse, vidéo et musique, dans une veine transgressive. Après s’être dans un premier temps attaché à l’esthétique du mixage, Ikeda adopte l’approche inverse, en cherchant à mettre en relief ce qui fait l’essence du son, l’onde sinusoïdale. A partir des années 2000, il travaille également la vidéo, dans ce même mouvement, à partir du pixel.
Les deux installations inédites du Centre Pompidou ont été conçues comme opposées et complémentaires. Dans la première salle, imaginée comme une boîte noire, est projetée sur un long pan de mur, une oeuvre vidéo, intitulée Code-Verse. Celle-ci est composée de données visuelles et sonores rassemblées par Ryoji Ikeda et passées par le prisme d’une écriture algorithmique. Dans la seconde, A [continuum], vous déambulez pieds nus, foulant une moquette blanche immaculée entre d’immenses hauts-parleurs directionnels. Ceux-ci diffusent une composition originale établie sur la base des variations d’une même note, le ton du diapason, dont votre perception évolue au gré de vos déplacements.
“Le résultat est au-delà de notre capacité de perception et de déchiffrement, c’est un état où on regarde quelque chose que notre cerveau ne peut pas suivre.”, confesse Ikeda à propos de Code-Verse. Sans doute à la dé(mesure) de la prégnance des lois mathématiques qui gouvernent notre monde. Une expérience de visiteur vertigineuse. L.G.