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Hiro Arikawa, Les Mémoires d’un chat, Babel.

Traduit par Jean-Louis de La Couronne

11.00 x 17.60 cm

336 pages

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« On dit que les chats avec la queue pliée savent crocheter les petits bonheurs. »

« Je suis un chat. Je n’ai pas encore de nom. Je n’ai aucune idée du lieu où je suis né. La seule chose dont je me souvienne c’est que je miaulais dans un endroit sombre et humide. » Voici l’étonnant accroche de Je suis un chat de Sōseki Natsume, pilier de la littérature moderne japonaise écrit entre 1905 et 1906. Caustique, élitiste et philosophe, le chat-narrateur de Sōseki dépeint sans ménagements la société nippone en pleine refonte pendant l’ère Meiji. Notre chat à nous, lui, est d’une tout autre trempe : « “Je suis un chat. Je n’ai pas encore de nom.” Il paraît que dans ce pays, un chat de génie a prononcé ces mots. Je ne sais pas s’il était génial, mais moi, au moins, j’ai un nom. Sur ce point, le chat de génie, je le mets à l’amende. » Voilà un chat qui appelle un chat un chat.

Il s’appelle Nana, il est bien conscient qu’il n’a pas le plus glorieux des prénoms mais il sait qu’un nom est un don qui appelle la loyauté chez celui qui le reçoit. C’est lui le narrateur et le personnage pivot de Les Mémoires d’un chat de Hiro Arikawa, qui sort le 5 mai en édition de poche chez Babel.

 

« Combien de paysages en ce monde qu’un chat ne verra jamais ? »

Chat des rues au langage bien moins soutenu que son grand prédécesseur littéraire, il est recueilli, ou pour mieux dire, il s’arrange pour se faire recueillir par le prévenant Satoru. Après cinq ans où le couple anthropo-félin file le parfait amour, Satoru se retrouve obligé de laisser Nana à une nouvelle famille. Mais à qui peut-on bien confier la moitié de son foyer ? Voici donc le duo à six pattes le plus attendrissant de la littérature nippone partir à la recherche d’une nouvelle maison pour Nana et, parallèlement, à la découverte du Japon et du passé de Satoru.

D’une étape à l’autre, on retrouvera Kôsukê, son grand copain de l’école primaire, Yoshiminé, son acolyte du collège, et le couple d’amis du lycée et de la fac, Sugi et Chikako. Hasard ou pas, impossible de laisser Nana entre les mains pourtant disponibles de ses amis d’antan.

 

« C’est en énumérant les souvenirs de voyage qu’on se dirige vers le voyage suivant. »

Secouées par de grandes et de petites tempêtes, l’enfance et la jeunesse de Satoru et de ses camarades sont livrées par Hiro Arikawa avec la délicatesse qui l’a inscrite d’office dans le panthéon des auteurs de light novels  (ライトノベル). L’amitié si intègre des enfants, la jalousie remplie de peurs des ados, les regrets fatigués des adultes : d’un personnage à l’autre, au fil des souvenirs, la vie revient et offre de nouveaux soubresauts insoupçonnés. Le pèlerinage à l’apparence sans succès de Satoru et Nana traverse les saisons, les régions et les souvenirs et accomplit bien plus que ce qu’il s’était proposé de faire.

Les Mémoires d’un chat, qui sort en même temps qu’Au prochain arrêt, roman de la même autrice fraîchement traduit par Sophie Refle, est une ôde à la loyauté, à la proximité que ni le temps ni l’espace ne savent mettre à l’épreuve, à la fidélité sans failles des êtres qui se comprennent d’un seul regard et qui parlent la même langue — peu importe s’ils appartiennent à deux espèces différentes. Un roman feel good des plus bienvenus après cette année où la douceur et les ronronnements nous ont tant fait défaut.

 

(edg)