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Du 01/05 au 01/06

Assez méconnu en France, George H. Breitner (1857–1923), peintre et photographe néerlandais se retrouve aujourd’hui sous la lumière, à la faveur de deux expositions : Japonismes/ Impressionnismes au musée des Impressionnismes à Giverny et Les Hollandais à Paris, au Petit Palais à Paris.

 

Si l’Histoire de l’art aime retenir le nom de ceux qui font les avant-gardes, elle se montre souvent cruelle avec tous les autres, les artistes à rebours et ceux que l’on qualifie de “suiveurs”.

Breitner pourrait être considéré comme l’un de ces derniers car sa peinture est fortement imprégnée de l’art des impressionnistes français qu’il découvre lors de ses séjours à Paris entre 1884 et 1890. On y retrouve notamment beaucoup de la manière de Degas, cette touche rapide, brute, pour représenter les visages, qui est parfois aussi celle de Manet et cette attention aux postures relâchées, au corps au repos. Il reprend aussi la thématique favorite de Degas, la danse, inexploitée jusque là dans son pays.

George Breitner, deux servantes sur le pont d’Amsterdam la nuit, 1890, huile sur toile, Teylers Museum, Haarlem, The Netherlands


Edgar Degas, Au café, 1876, huile sur toile, The Fitzwilliam Museum, Cambridge, UK

Mais Breitner emprunte par moments une voie plus personnelle, en particulier à travers ses paysages urbains d’Amsterdam, qu’il est un des premiers à photographier. Mais ce qui le caractérise plus encore, c’est peut-être sa série des jeunes filles en kimono, qu’il commence à peindre vers 1893, peu de temps après avoir visité une exposition d’estampes japonaises à La Haye.

Ces tableaux procurent une vraie jubilation, par leurs couleurs chatoyantes et la juxtaposition des motifs. L’espace semble ainsi saturé, seulement ponctué par cette virgule que dessine le corps frêle du modèle. Celle-ci, prénommée Geesje Kwak, est vendeuse dans une chapellerie du quartier du Jordaan à Amsterdam ; elle est parfois remplacée par sa soeur Anna. Son air absent, son petit visage enfantin, viennent encore tempérer l’ardeur colorée de ces tableaux. Comme nombreux de ses confrères, Breitner fut un collectionneur d’estampes, d’où il puisa sans doute son goût pour le kimono. Ses compositions ont aussi l’originalité d’avoir été exécutées à partir de photographies prises par l’artiste, qui en fixent la composition générale, sans être reprises parfaitement à l’identique.
Or la pratique photographique de Breitner semble plutôt le classer parmi les artistes novateurs de son temps ; ses photographies de rue, privilégient l’impression d’instantanéité, ce qui est encore assez rare pour l’époque.
George Breitner, vers 1890–1910, Amsterdam, Rijksmuseum.

Finalement surprenant ce Breitner. Une de ses compositions, antérieure à la série des Filles en kimono, intitulée Clair de Lune, avec ses aplats quasi-monochromes et lumineux, fut d’ailleurs très admirée par Van Gogh. Elle aurait aussi été une révélation pour Piet Mondrian… qui n’est autre que l’inventeur de l’abstraction. “Suiveur” et “inspirateur”, Breitner nous rappelle qu’en en matière d’art comme ailleurs, il faut nous méfier des jugements hâtifs et des classifications simplificatrices.

George Breitner, Clair de lune, 1887–1889, huile sur toile, Musée d’Orsay