Les Funérailles des roses, de Toshio Matsumoto
avec Pîtâ, Osamu Ogasawara, Yoshio Tsuchiya
En salles le 20 Février – Japon – 1h48
Tokyo, fin des années 1960. Eddie, jeune drag-queen, est la favorite de Gonda, propriétaire du bar Genet où elle travaille. Cette relation provoque la jalousie de la maîtresse de Gonda, Leda, drag-queen plus âgée et matrone du bar. Eddie et Gonda se demandent alors comment se débarrasser de cette dernière …
Premier film inédit en France d’un réalisateur pionnier du cinéma expérimental nippon des années 1960, Les Funérailles des Roses de Toshio Matsumoto imprime sur un noir et blanc sublimé par sa restauration 4K, le destin de son fascinant personnage queer, Eddie. Déhanché yéyé, yeux de biche et iconiques perruques constituent le masque féminin du jeune héros, dont la fluidité est explorée entre passé et présent, souvenirs cruels et recherche identitaire. Le récit hybride, sous forme de conte, transporte Eddie et ses copines dans les rues d’un Tokyo underground et propose une relecture du mythe d’Œdipe dans le milieu du drag. La fantaisie cinématographique de Toshio Matsumoto nous permet alors de lever le rideau sur un demi-monde, où la provocation n’est jamais glam sans être punk. Hybride aussi, parce que l’enseignement de ses précédents travaux documentaires et expérimentaux appose une signature « cinéma-vérité » au film, qui n’hésite pas à briser le quatrième mur pour rendre justice à cet univers. Eddie et son acteur, fascinant Shinnosuke « Peter » Ikehata, s’adresse alors au spectateur avec une honnêteté déconcertante. Un battement de cils nous séduit. Comme ses personnages, le film questionne son identité, est-ce une fiction ? Un documentaire ? Et explore son genre à travers l’histoire du cinéma : Eddie et sa matrone Leda s’affrontent dans une scène de western burlesque, Gonda et son acolyte dissimulent l’argent de la drogue dans un ballet accéléré comme un hommage aux films muets, …
Sorti sur quelques écrans le 20 février, cette oeuvre secrète, cachée mais pourtant libre et sauvage, se doit d’être découverte. Son iconographie pop propose un regard singulier sur la scène queer japonaise et s’impose comme une influence majeure pour de nombreuses références cinématographiques (on pense notamment à Orange Mécanique (1972) de Stanley Kubrick, dont la filiation semble naturelle). C’est également l’occasion de découvrir un autre Japon : tandis que l’année 1969 débute par un profond mouvement de révolte étudiante, on y découvre ses décors décadents et sa contre-culture. Les personnages, si contemporains, nous feraient alors presque oublier que le film est né il y a cinq décennies.
N.S.