Un film de Hayao Miyazaki
Animation | Japon | 2h04 | Sortie le 1er novembre 2023
Après la disparition de sa mère dans un incendie, Mahito, un jeune garçon de 11 ans, doit quitter Tokyo pour partir vivre à la campagne dans le village où elle a grandi. Il s’installe avec son père dans un vieux manoir situé sur un immense domaine où il rencontre un héron cendré qui devient petit à petit son guide et l’aide au fil de ses découvertes et questionnements à comprendre le monde qui l’entoure et percer les mystères de la vie.
BANDE-ANNONCE TRAILER
Au cinéma, peu de noms sont aussi emblématiques que celui de Hayao Miyazaki, fondateur du célèbre Studio Ghibli avec Isao Takahata. Ses œuvres, qui nous ont fait vivre des rêves éveillés comme aucunes autres, l’ont hissé au rang de légende vivante, considéré par beaucoup comme l’artiste le plus visionnaire de l’animation. On imagine donc combien l’arrivée de Le Garçon et le héron, une épopée entre Le Voyage de Chihiro et Princesse Mononoke, a pu être source de liesse pour tous les amateurs de cinéma.
Tout commence par une scène à couper le souffle, probablement l’une des séquences les plus déchirantes et magnifiquement animées de l’histoire du Studio. Mahito court à toute allure à travers le chant des sirènes et les étincelles flottantes, ses petits pieds d’enfant survolent le désastre – celui d’un bombardement. Les contours de son visage, patiemment dessinés à la main, se brouillent par endroit, suggérant une fournaise qui contorsionne l’image dans son mirage irradiant. Cette animation virtuose ne vous montre pas seulement le feu, elle vous fait ressentir sa chaleur, annonciatrice de la manière dont Mahito affrontera son traumatisme – la perte de sa mère. Même s’il ne sera pas témoin de sa mort, il l’imaginera d’une manière à la fois terrible et belle – non pas comme si elle brûlait, mais comme si elle devenait les flammes.
Quelques années plus tard, Mahito déménage dans un vaste domaine à la campagne. Son père y dirige une usine produisant des avions de guerre et vient de se remarier avec son ancienne belle-sœur. Malgré toute la bienveillance de cette dernière, Mahito a du mal à prendre ses marques. Son chagrin l’empêche même d’apprécier l’escadron de mamies génialement espiègles qui l’accueillent et tentent de rendre son quotidien meilleur ! Fasciné par un étrange héron qui rôde autour de sa nouvelle maison, il finira par le suivre dans une mystérieuse tour abandonnée… qui deviendra le portail vers un monde merveilleux, luxuriant et foisonnant comme seul Miyazaki sait en créer, dans lequel il trouvera le moyen de renouer avec la mère qu’il a perdue.
Difficile de vous en dire plus, tant le récit devient si vaste et palpitant, avec des imbrications et interprétations multiples. Dites-vous juste qu’il s’agit de l’univers d’un réalisateur au sommet de son art, à l’imagination visuelle et narrative illimitée. Entre évidence et impénétrabilité comme le sont la plupart des rêves, Le Garçon et le héron est une pierre vivante posée sur l’édifice de l’œuvre de Miyazaki, par laquelle on sent soudainement qu’on peut entrer et sortir par des milliers de portes, avec la fusion des matières de tous ses précédents films, dont l’inénarrable musique de Joe Hisaishi. Et pour celles et ceux à qui les esprits de la forêt de Mononoké manquent… vous ne serez pas en reste avec les warawara, des entités adorables et moelleuses incarnant l’âme humaine !
Le dernier chef-d’œuvre de Miyazaki, immense spectacle visuel où chaque plan est une toile peinte à la main, aurait pu être l’adieu onirique d’un homme immortel se préparant à sa propre disparition. Il y aborde ses thèmes habituels (rapport au vivant, à la nature, à la création, à la vie, à la mort) sous un angle finalement nouveau, et avec le désarroi urgent de quelqu’un qui sait qu’il ne pourra peut-être plus jamais les aborder. « Quoiqu’il advienne, nous devons essayer de vivre », nous exhorte-t-il. Il nous reste un long chemin à parcourir : pour cela, il suffit de trouver la porte. Et si rétablir l’équilibre dans un monde enclin à la ruine vous semble impossible… qu’importe, vous trouverez toujours le moyen de construire votre tour dès lors que vous apprendrez à respecter le vivant et à vous ouvrir aux autres.
O. J.
Crédits photos : Wild Bunch Distribution
Lire la critique de Télérama
Film non disponible en streaming