Je veux manger ton pancréas, de Shinichiro Ushijima
avec Mahiro Takasugi, Lynn
Sortie le 24 juin 2020 en DVD et VOD – Japon – 1h48
Sakura est une lycéenne populaire et pleine de vie. Tout l’opposé d’un de ses camarades solitaires qui, tombant par mégarde sur son journal intime, découvre qu’elle n’a plus que quelques mois à vivre… Unis par ce secret, ils se rapprochent et s’apprivoisent. Sakura lui fait alors une proposition : vivre ensemble toute une vie en accéléré, le temps d’un printemps.
Je veux manger ton pancréas, un titre qui effraiera ceux qui ne s’intéressent pas au sens caché du pancréas, joli petit organe tout de jaune vêtu qui, sans relâche, nous donne chaque jour les moyens de prendre ce qu’il y a de meilleur dans les aliments. Sans lui pour créer cette fameuse insuline qui transforme le sucre en énergie, nous serions simplement incapables de vivre ! Haru, timide et fermé aux autres ne pouvait précisément pas faire plus belle déclaration à Sakura : « Je veux manger ton pancréas ». Dixit : « Tu m’apprends à me déployer, à m’emplir d’amour, et je t’aime à ce point que je ne peux plus vivre sans toi ». Remarquable adaptation du best seller éponyme de Yoru Sumino, cette nouvelle fleur du cinéma d’animation japonais n’est pas prête de faner dans les esprits. Peut-être rendra-t-elle même éternels vos printemps intérieurs, quand elle rappelle que le destin est autant affaire de choix que de hasard. Bien loin d’une triste fatalité, où tout se jouerait entre le blanc, le noir et l’hiver… Son sujet est donc immense, au service d’un éclatant apprentissage – celui de l’amitié, de l’amour, de la joie.
Le monde de Sakura est rose, jamais morose, comme l’est d’abord celui de Haru. Son euphorie naturelle, que les cerisiers en fleurs encadrent tout du long du film, marque son passage avec éclat. Même en cherchant bien, pas le moindre nuage dans le ciel bleu de la jeune fille. Elle rayonne avec toute l’humanité qui est la sienne. L’ensoleillement des scènes extérieures, l’éclairage des scènes intérieures, laissent sa silhouette surgir en contre-jour, aussi fugace qu’un reflet d’aurore. A contrario, Haru avance dans un monde fait de pluie et de nuit. Comme si l’existence était vouée à n’être qu’un mauvais bulletin météo, si inondée qu’après tout, pourquoi pas se noyer dans des livres ? Jusqu’au jour où il tombe par hasard sur un journal intime dans un hôpital. Celui de Sakura. Elle gardait ce secret pour elle, mais elle est condamnée à une floraison aussi brève que celle des cerisiers…
En le découvrant, Haru va permettre toutes les libérations – celle de Sakura, qui n’aura plus à porter seule le fardeau de sa disparition imminente, et la sienne. Entraîné dans les mille aventures de cette âme-soeur improbable, plus que jamais partante pour engloutir des plâtrées de pâtes et se laisser aller à des jeux aussi drôles qu’équivoques, il frôlera la lumière à son tour, comme dans cette scène (sublime) d’une nuit foudroyée par des feux d’artifice. C’est au fond l’histoire du soleil qui a rendez-vous avec la lune, à l’instar de Your name (2016) de Makoto Shinkai. « Quand on croit qu’il est loin, il est là près de nous ». Rendant l’éclipse forcément inévitable. Sakura le dira elle-même à Haru : « Le jour où tu as déclaré vouloir que je vive, tu m’as métamorphosée d’être banal en être important. Peut-être attendais-je pendant ces 17 années d’être importante à tes yeux, tout comme les cerisiers attendent le printemps ». Preuve en est que la vie, quelqu’elle soit, mérite d’être vécue. Ce sont donc nos liens avec les autres qui nous façonnent : l’histoire de Sakura et Haru, en révélant si finement tant de vérités profondes, a le pouvoir de rendre heureux. O. J.