Petit objet précieux mêlant les estampes ukiyo-e des grands Maîtres et les vers des grandes plumes, Haïkus, La voix des animaux (éditions du Seuil) nous restitue une faune nippone tantôt philosophe, tantôt spirituelle, peuplant de sa sagesse le monde flottant.
acheter le livreLe haïku, instantané avant l’heure
Dans sa fameuse « tirade du baiser », Edmond Rostand fait dire à Cyrano de Bergerac : « Un baiser, mais à tout prendre, qu’est-ce ? […] Un point rose qu’on met sur l’i du verbe aimer. […] Un instant d’infini qui fait un bruit d’abeille ». On pourrait dire alors : « Un haïku, qu’est-ce ? » Trois vers, dix-sept mores, un seul souffle. Et dans ce souffle, le même instant d’infini dont parle Rostand et, par cela même, toute la volatilité des choses.
Instantané avant l’heure de la pellicule, le haïku arrête le temps depuis le XVIIe siècle. Par dix-sept unités phonologiques (ce qui diffère des syllabes), il évoque un kigo, une saison. Ou plutôt, un sentiment de saison. Que la saison soit nommée ou pas, elle est toujours évoquée par la nature, la flore et la faune. Dans Haïkus, La voix des animaux, c’est justement aux animaux qu’on offre la parole.
Faune phonétique
Coqs, carpes, singes ou grues. Chats, lucioles, hérons et renards. Tous vibrent en écho avec le kigo et sont interceptés par le regard du poète. Ils semblent parfois incarner un élan, un esprit, une humanité. D’autres fois, ils ne sont qu’animaux, extraterrestres, inhabités.
Les bêtes de Issa, de Bashô, de Shiki nous offrent néanmoins un aperçu du Japon qui est à la fois physique et métaphysique, naturel et culturel, passé et à jamais éternel. Leur poésie est mise en beauté par les estampes des grands Maîtres du mouvement ukiyo-e savamment sélectionnées par Elisabetta Trevisan, dans un savoureux accord parole-image.
Petits livres, grandes beautés
La collection « Classiques en images » du Seuil est un herbier de charmes. Elle rassemble en son catalogue des variations sur le thème du haïku : « En fleur », « En voyage », « Pensées de femmes », « Instants du quotidien »… Elle s’attarde sur l’Asie avec le Kama Sutra ou encore La Voie et la Vertu de Lao-Tseu.
Mais elle dévie également de la culture japonaise avec ses belles éditions illustrées de l’Apocalypse de Saint-Jean, des Fables de La Fontaine ou encore du Songe d’une nuit d’été de Shakespeare. Beau livre en miniature avec son papier soyeux, son marque-page et sa couverture rigide reliée, Haïkus, La voix des animaux a tout pour ravir les bibliophiles. Soigneusement empaqueté dans un furoshiki, il saura faire des heureux, et ce sur quatre saisons.
EDG.
Parution : 2018 / 128 pages / coll. « Classiques en images » / Editions du Seuil