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Dersou Ouzala

Un film d’Akira Kurosawa

Aventure, Drame | Japon, Union Soviétique | 2h22 | 1976, ressortie le 13 mars 2024

Note : 4,8/5

En 1902, Vladimir Arseniev, officier topographe de l’Armée russe, est chargé d’explorer le bassin de l’Oussouri. Là-bas, il rencontre Dersou Ouzala, un chasseur golde qui vit dans la taïga, en parfaite harmonie avec la nature. Entre ces deux hommes que tout semble séparer, une amitié voit le jour…

Dersou Ouzala, autobiographie d’une amitié

Depuis les années 1930, un projet trotte dans la tête d’Akira Kurosawa : adapter à l’écran le récit autobiographique d’un topographe russe, Vladimir Arseniev. Au début du XXe siècle, cet officier de l’armée impériale russe est envoyé en exploration dans la région du bassin de l’Oussouri, près de la frontière chinoise. Avec son détachement, Arseniev fait la rencontre d’un chasseur de la tribu nanaï, Dersou Ouzala. L’homme, qui vit dans la taïga et chasse les zibelines pour en vendre la peau, n’a plus rien, ni maison ni famille, emportée par la variole. Il ne lui reste – et ce n’est pas peu de chose – que la nature qui l’entoure. Bien que rude, parfois trompeuse, la nature est une interlocutrice vis-à-vis de laquelle Dersou a la plus grande écoute et le plus grand respect.

Malgré l’éducation citadine de l’un et la vie sauvage de l’autre, les deux hommes se lient d’une profonde amitié. Dersou guidera le détachement d’Arseniev à deux reprises, en 1902 et 1907. C’est lors de cette deuxième expédition que le chasseur tire sur un tigre de Sibérie, un animal sacré pour son peuple. À partir de ce moment décisif, rien ne va plus, la nature se venge de cette blessure, pourtant involontaire.

Son ami, qui ne peut se résoudre à le laisser (dé)périr dans la taïga, l’invite à s’installer chez lui, à Khanarovsk. Dersou accepte, de guerre las. Mais un « homme des bois » comme lui saura-t-il se transplanter en terre des hommes ?

Bons baisers d’URSS

C’est finalement 40 ans plus tard, en 1973, que l’occasion idéale se présente à Kurosawa. Le studio soviétique Mosfilm le contacte afin de réaliser un film ensemble. Kurosawa, qui n’est plus tout jeune et s’est remis depuis peu d’une tentative de suicide, part s’installer au fin fond de la Russie, dans cette même nature totale qu’a défriché Arseniev. Le tournage, comme bien souvent chez le cinéaste, se révèle aussi âpre que son décor. Froids intenses, vents déchaînés, saisons changeantes : tous les ingrédients symboliques (mais bien réels !) de Kurosawa sont là.

La nature de cette région reculée réverbère à l’écran dans toute sa puissance et sa sacralité. Maksim Mounzouk, que Kurosawa a voulu contre l’avis de la production dans le rôle de Dersou, en est le prophète parfait.

Les prix, l’oubli

Quand le film sort en 1975, il ne provoque pas le même effet au Japon et en Occident. Il remporte le Prix d’Or du Festival international du film de Moscou. Il est ensuite sacré aux Oscars en tant que meilleur film dans une langue étrangère. La réception est chaleureuse, tant dans la presse qu’au box-office. Au Japon, rien n’est moins sûr.

Les critiques ne s’accordent pas sur la place de Dersou Ouzala dans la parabole cinématographique d’Akira Kurosawa. Néanmoins, le film – qui plus est dans sa version restaurée – est d’une très grande beauté, intense, cyclique et changeante comme les saisons sibériennes. Depuis le siècle dernier, la nature et ses chantres ne se portent plus très bien. Que le cinéma, alors, les aide à reprendre leur souffle…

E.D.G.

Crédits photos : Splendor Films

Lire la critique de Télérama

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