Un film de Mamoru Hosoda
Animation, Science-fiction | Japon | 2h02
Dans la vie réelle, Suzu est une adolescente complexée, coincée dans sa petite ville de montagne avec son père. Mais dans le monde virtuel de U, Suzu devient Belle, une icône musicale suivie par plus de 5 milliards de followers. Une double vie difficile pour la timide Suzu, qui va prendre une envolée inattendue lorsque Belle rencontre la Bête, une créature aussi fascinante qu’effrayante. S’engage alors un chassé-croisé virtuel entre Belle et la Bête, au terme duquel Suzu va découvrir qui elle est.
De film en film, le sujet central du cinéma de Mamoru Hosoda se confirme : de l’instrumentalisation du temps par une adolescente pour réparer ses erreurs dans La traversée du temps (2006) à la fratrie hybride de Les Enfants loups (2012) ou la relation de mentor entre un adolescent et un guerrier d’outre-monde – Le Garçon et la bête (2015), tout tend vers la question de l’identité. Un thème forcément en phase avec une époque où les réseaux sociaux et la réalité virtuelle se sont rapidement enracinés dans les mœurs de la jeune génération. Hosoda s’est montré précurseur en la matière, interrogeant déjà la puissance culturelle d’Internet dans Digimon (1999) ou pointant du doigt le chaos vers lequel pourraient pousser les intelligences artificielles avec Summer Wars (2006).
Evidemment, Spielberg et son Ready player one (2018) ont pavé cette voie, mais Hosoda la contourne voire réfute cette vision des choses. Même en jouant le divertissement d’Hollywood – la version Disney, par ses chansons et ses chorégraphies, de La Belle et la Bête semble une réelle inspiration jusqu’à avoir repris un de ses character designers – Belle revendique son portrait d’une jeune femme loin des clichés d’innocence et d’inconséquence : Suzu et la comparse qui gère l’avatar de cette dernière ne sont pas des personnages éthérés comme on en croise parfois dans la japanimation. Hosoda renverse d’ailleurs la part de fascination que l’on peut avoir pour la Bête dans le conte classique, où la Belle se résumait à des stéréotypes. Au-delà des époustouflantes séquences se déroulant dans l’enceinte du réseau virtuel U, procurant des pures sensations d’apesanteur, c’est bien ce sens du progressisme – et pas uniquement en ce qui concerne l’image des femmes : Hosoda assure ici que les mondes virtuels peuvent être rassembleurs, combler les souffrances de la solitude – et c’est ce qui rend Belle vertigineux. A.M.
Crédits photos : Wild Bunch Distribution