Un livre de photographies de Masashi Asada
Il est à l’image de ses clichés : familier et inattendu. Attachant. Né à Mie en 1979, Masashi Asada est le photographe qui a inspiré La Famille Asada, au cinéma le 25 janvier 2023. Sourire doux et bras intégralement tatoués, il incarne les mêmes contrastes harmonieux que ses portraits de famille. À une époque où les photos volées paraissent artificielles, ses proches se mettent en scène, se déguisent, font semblant. Le résultat ? De faux souvenirs plus vrais que nature.
Le don de la photographie
À 8 ans, la personne qui vous écrit a reçu en cadeau d’anniversaire une machine à écrire Barbie. 27 ans plus tard, cette même personne a fait de l’écriture un métier. À 9.723 km de cette enfant et de sa machine à écrire, un autre enfant recevait des mains de son père un appareil photo. Cette fois aussi, le cadeau se faisait destin. Le petit Masashi Asada a un don pour la photo, un don qu’en bon Japonais, il rend à ses modèles. Sa famille, qui l’a mené à la photo, devient le sujet de prédilection de ses clichés.
Asadake : les portraits de « la famille Asada »
Masashi posait chaque année avec son frère devant l’objectif paternel en vue de l’envoi des carte de vœux. C’est donc naturellement vers les siens qu’il s’est tourné quand il a été question de prendre des photos. Au lieu de capturer des instants volés, Asada se met en tête d’offrir de vrais souvenirs de moments impossibles. En fouillant les rêves de jeunesse de ses proches, il décide de mettre en scène leurs fantasmes. Pilote de formule 1, femme de yakuza, pêcheuse de perles ou Rock Star… Alors que certains de ses contemporains comme Motoyuki Daifu et sa Lovesody préfèrent le voyeurisme domestique, la chronique de l’anecdote, Asada orchestre les souvenirs du futur. Après tout, comme il aime le dire : « À nous quatre, on aurait clairement pu devenir yakuzas ! »
Ses mises en scènes élaborées et chorales – en plus d’engager toute sa famille à chaque fois, elles requièrent l’aide de nombreux collaborateurs – sont aussi théâtrales que profondément authentiques. À l’heure du naturel élaboré, rogné et retravaillé, cette théâtralité assumée se laisse, elle, percer à jour.
Portraits de famille(s)
Ces portraits de famille qui s’étalent sur de nombreuses années et continuent d’être élaborés ont été rassemblés dans un album, Asadake! [Les Asada], récompensé en 2008 du prestigieux prix de photographie Kimura Ihei. Suite à la reconnaissance nationale, Masashi Asada décide de s’inviter chez les autres. Il tire d’autres portraits de famille, des familles avec d’autres besoins et des équilibres différents de la sienne. Mais toujours avec la même mascarade dévoilée.
SOS photos !
Mais c’est en 2011, quand le tremblement de terre dévaste le Japon, que le travail d’Asada sur la photo et sur son rôle mémoriel prend tout son sens. Alors que le pays est en morceaux, il se lance dans le sauvetage, la collecte et la restitution des photos de famille retrouvées dans les décombres des maisons. Bien que moins absolument nécessaire que d’autres voies humanitaires, ce travail minutieux et titanesque a pu restituer quelques centimètres de vie à ceux qui pensaient avoir tout perdu.
Ce travail, qui a donné lieu à l’album Album no chikara, a également nourri la réflexion d’Asada sur l’importance de l’impression photographique pour la sauvegarde de la mémoire et, in fine, de sa propre humanité.
La (re)naissance d’une famille
Après s’être occupé de l’histoire avec un grand H, Masashi a retrouvé l’histoire intime avec les siens. Ou plutôt, un nouveau membre de la famille, une nouvelle vie : son fils Asahi. En même temps qu’il grave les premiers instants de cette nouvelle vie (il était là, comme bon nombre de papas, l’appareil à la main, à la sortie du bébé), il traduit en photo ses élans spirituels de nouveau père.
Il commence par prendre en photo son petit garçon entouré d’amulettes provenant des quatre coins du pays. Puis, parce qu’on est jamais suffisamment paré contre le mauvais sort, il commence à prendre des photos de son bébé dans les bras de personnes lui paraissant de bon augure, dans des endroits de bon augure. Le résultat, présenté dans l’album Ma famille, est une galerie mêlant proches et inconnus, une galerie bienveillante et bienheureuse, toujours mouvante.
À l’heure du cynisme, humain et visuel, et du faux naturel, la sincérité tendre et théâtrale de Masashi Asada est un antidote.
EDG.
Vous pouvez découvrir les photographies de Masashi Asada dans plusieurs salles de France, à l’occasion de la sortie du film La Famille Asada. Toutes les informations sont ici.