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Collectif, Hirokazu Kore-eda

Qu’est-ce qu’on peut faire tenir en un siècle ? Des tremblements de terre, des guerres, du sonore, de la couleur, des élans révolutionnaires, des illusions et des désillusions. Mais surtout, du cinéma, beaucoup de cinéma. 100 ans de cinéma japonais (Éditions La Martinière) est une compilation aussi flamboyante qu’ouvertement incomplète d’un art et d’une tranche d’histoire.

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2018, année « nipponique »

2018. C’est le 160ème anniversaire des relations diplomatiques entre le Japon et la France et le 150ème anniversaire du début de l’ère Meiji. Paris crépite. Avec le projet pharaonique « Japonismes 2018 : les âmes en résonance », le Japon s’invite dans tous les hauts lieux de la culture. Les expositions se multiplient, ainsi que les spectacles, les conférences, les rencontres et les ateliers. C’est justement en 2018 et dans son terreau fertile que germait une petite graine qui pousse désormais fièrement : Hanabi.

Dans le riche panel d’événements culturels proposés cette année-là, le cinéma occupait une place de maître. La Maison de la Culture du Japon à Paris, en partenariat avec la Cinémathèque française, lançaient une rétrospective plus qu’ambitieuse dont ce livre est l’aboutissement : 100 ans de cinéma japonais. Il s’agissait de la restauration et de la projection de 119 longs-métrages allant des balbutiements du septième art nippon aux dernières sorties. 2018, c’est justement l’année qui a vu le triomphe du Japon à Cannes avec la Palme d’Or à Hirokazu Kore-eda pour Une affaire de famille.

100 ans de cinéma japonais, un ouvrage de référence

Si les rétrospectives se terminent, les livres demeurent. Et c’est un bonheur, six ans plus tard, que d’avoir entre les mains un siècle d’histoire(s). Il y a l’histoire du cinéma d’un pays, mais aussi une tranche douloureuse de l’histoire d’un siècle. Il y a 119 histoires livrées à la pellicules et des centaines d’histoires liées à la réalisation de ces pellicules. C’est vertigineux.

Malgré sa centaine débordante de titres, le comité d’experts franco-japonais appelé à les sélectionner répète plusieurs fois au cours de l’ouvrage que celui-ci est incomplet. Ce n’est en effet pas une mince affaire que de dresser le portrait d’un siècle d’art sans faire de torts, sans emprunter de raccourcis ou faire de détours. Il faut également accorder la perception de soi des experts japonais et la cinéphilie – partielle, partiale mais parfois illuminante – des Français. 119 films répondent néanmoins à l’appel et dressent du cinéma japonais un portrait foisonnant et nuancé.

Les 100 premières années du cinéma japonais

Que l’on connaisse un peu, beaucoup ou passionnément le sujet, 100 ans de cinéma japonais ouvre les portes d’une mine d’or. Les films y sont divisés en quatre grandes sections. On commence par les prémices, par un cinéma qui cherche à se défaire de la vieille peau du théâtre traditionnel, maladroit à l’écran. Il s’en défait par la plus violente des voies possibles : le tremblement de terre qui secoua Tokyo en 1923, en faisant 200 000 morts et en détruisant à la fois l’espace et la culture. C’est à Kyoto, donc, que le cinéma japonais a pu enfin s’éclore en toute liberté, avec le jidaigeki (film historique) et le le shomingeki (drame populaire).

Puis vint le sonore, avec le film Mon épouse et la voisine (1931). Pour la couleur, en revanche, il faudra attendre 1951 avec Carmen revient au pays. Nous sommes en plein dans l’âge d’or du cinéma japonais : Yasujiro Ozu, Akira Kurosawa, Kenji Mizoguchi… La restauration des films réalisée à l’occasion de Japonismes 2018 a d’ailleurs pu révéler pour la première fois la vraie nature de la couleur des films d’Ozu, jusqu’alors dénaturée par l’état des copies de ses pellicules.

Arrivent ensuite les années 1960 et 1970 : le monde expérimente. Ça expérimente du côté des mœurs, des expressions de soi, des formes artistiques. Le Japon ne fait pas exception et explore à son tour. Après la guerre et ses contrecoups, au centre des films de l’âge d’or, c’est au tour de la jeunesse de prendre sa place au centre de l’écran, non sans inquiétudes. On arrive enfin à nos jours, ou presque. Les films japonais plus récents se doivent d’être, lit-on, un « caillou dans la chaussure ». Le livre se termine : l’histoire du cinéma, elle, continue.

Qui es-tu, Japon ?

100 ans de cinéma japonais aura beau être incomplet, quoique richissime, il dresse un portait fidèle et complexe de l’archipel. 100 ans, c’est assez longtemps pour suivre la trajectoire des illusions qui se brisent sur les rochers des guerres et des crises et voir l’étendue de l’ombre que l’histoire peut jeter derrière soi. Pour deviner les contradictions, les espoirs, les erreurs et la sagesse et goûter à un sens du beau qui n’a pas d’égal. Pour contempler l’âme d’un pays, à défaut de la saisir.

EDG

Parution : 2018 / 272 pages / Éditions de La Martinière / Collectif, Hirokazu-Kore Eda